Cette belle galaxie a été prise en photo depuis les Alpes mais ne sautez pas dans le train pour Méribel, vous risqueriez d'être déçu. En effet, avec vos yeux, impossible de la voir. Il vous faudrait acquérir la dernière génération de télescope pour voir quelque chose. Oh, pas grand chose, juste 10 antennes de 5 étages de haut chacune à peu près ! Il faut dire que cette galaxie, qui répond au doux nom de IC342, est particulièrement lointaine, à environ 10 millions d'années-lumière. Pour ne rien arranger, sa lumière doit traverser la gaz et la poussière de notre propre galaxie pour nous parvenir. Galère, je vous dis. C'est l'observatoire NOEMA qui est parvenu à cet exploit. C'est le télescope le plus puissant de l'hémisphère nord dans le domaine des ondes radio, plus précisément le domaine de la lumière millimétrique (petit rappel sur les différents types de lumière ici). Il s'agit donc de 10 antennes (et bientôt 12) de 15m de haut, situées sur le plateau de Bure dans les Alpes. Si vous avez déjà vu un télescope ou une lunette astronomique dans votre vie, vous allez me dire que ça n'y ressemble pas trop. C'est pas faux. En effet, on n'observe pas la même lumière avec NOEMA. Un télescope ou une lunette reçoivent la lumière visible. Mais ces antennes-là reçoivent la lumière du domaine radio. Pour comprendre la différence, on peut imaginer la lumière comme une onde, c'est-à-dire une série de vagues qui se propagent dans l'espace-temps.
Et pourquoi un grand tas d'antennes ? Un grand nombre d'antennes, ça sert à voir des détails plus petits. Et ça sert aussi à éviter de construire une antenne gigantesque, qui permet certes de capter plus de lumière, donc de voir mieux, mais qui est difficile et cher à construire. Le plus grand radiotélescope du monde, c'est le télescope FAST en Chine, avec juste... 500 mètres de diamètre ! Un monstre. Alors bon, pour faire plus pratique, on a une autre technique, faire travailler ensemble plusieurs antennes. Il faudra alors bosser dur pour assembler les lumières reçues par les différentes antennes et reconstituer une image, mais à la fin, on est capable de voir ce qu'il se passe dans une galaxie si éloignée de nous, on peut être fiers (si, si, soyons fiers, c'est la classe). Une des missions les plus importantes de NOEMA est l'exploration des nuages de gaz qui peuplent les espaces interstellaires, dans lesquels se forment de nouvelles étoiles, ainsi que l'exploration des galaxies très lointaines s'étant formées très peu de temps après le Big-Bang, ce qui est le cas de IC342.
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Notre univers semble chaque jour un peu plus vaste. Une équipe d'astrophysiciens menée par la chercheuse Chelsea X. Huang du MIT vient de découvrir une nouvelle exoplanète tout à fait particulière. Il s'agit d'une super-Terre particulièrement proche de son étoile. Aujourd'hui, on vous explique pourquoi et comment c'est carrément ouf. Déjà, petit rappel, une exoplanète, c'est une planète qui tourne autour d'une autre étoile que notre Soleil. Une super-Terre, c'est une planète rocheuse comme la Terre mais plus massive. Celle-ci se trouve à environ 59 années-lumière de nous. Autrement dit, la lumière, qui se balade à la modeste vitesse de 300 000 km par seconde, met 59 ans à faire le chemin entre cette planète et nous. C'est LOIN. En plus, elle orbite autour d'une étoile plus brillante que le Soleil. Autant essayer de voir une luciole neurasthénique dans le phare de votre voiture, le tout à 200 mètres de distance. Comment fait-on alors pour les détecter ? Il y a trois méthodes. La première est l'observation directe. Elle est particulièrement difficile à mettre en place car comme on l'a dit, une planète est très peu lumineuse en comparaison de l'étoile autour de laquelle elle orbite. Les deux autres stratégies sont des méthodes indirectes et s'appuient sur l'observation de l'étoile. Si vous observez l'étoile pendant un long moment, vous vous apercevrez que la luminosité de l'étoile diminue parfois, de façon périodique, tout simplement parce que la planète passe régulièrement devant l'étoile et cache une partie de sa lumière. C'est la méthode des transits. Le dessin ci-dessous illustre cette méthode.
La dernière des méthodes de détection, indirecte elle aussi, s'appelle la méthode des vitesses radiales. Il s'agit d'enregistrer la lumière d'une étoile, d'en déduire la vitesse de l'étoile et de voir si celle-ci varie avec le temps. On parle de vitesse radiale car on mesure la vitesse le long d'un "rayon" entre nous et l'étoile. On dit que les planètes tournent autour de leur étoile. En fait, si on veut être précis ou se la péter en société, on peut dire que c'est faux : les planètes et l'étoile tournent autour du centre de masse du système. La présence de la planète perturbe légèrement le mouvement de l'étoile. Comme on peut le voir sur l'animation ci-dessous, l'étoile semble tourner autour de la petite croix : En conséquence, la vitesse de l'étoile sera modifiée de façon périodique, en fonction des propriétés de la planète (sa masse, son éloignement par rapport à l'étoile...). En alliant ces deux dernières méthodes, les auteurs de l'article (disponible ici, en anglais) ont pu mesurer que la super Terre avait un rayon de 2 fois celui de la Terre, une masse presque 5 fois celle de la Terre et une période de rotation de 6,3 jours (Oui oui, techniquement, 1 an sur cette planète correspond à seulement une petite semaine sur Terre).
L'intérêt d'une telle détection est la proximité de la planète avec son étoile bien brillante (environ 5 fois plus proche que Mercure ne l'est du Soleil), qui permettra dans de futures analyses d'observer en détail l'atmosphère de la planète si elle en possède une ou encore de sonder les entrailles de la planète. De quoi mieux comprendre la formation des planètes, mais aussi chercher des traces de vie dans leur atmosphère ! Savez-vous ce que c'est ? Bon, aujourd'hui, on commence facile. A moins que vous viviez dans une grotte sans fenêtre, vous savez que c'est un arc-en-ciel, bravo. Un chouia plus dur : qui peut m'expliquer pourquoi on voit toutes ces couleurs ? Vous vous souvenez probablement que la lumière du Soleil, qui nous apparaît à peu près blanche, est en fait composée d'un tas de couleurs, qu'on divise arbitrairement en un certain nombre, selon les cultures. Vous vous souvenez même peut-être avoir joué à l'école avec un coin en verre appelé prisme.
MAIS... ce n'est pas tout ! Ces jolies couleurs ne sont qu'une toute petite partie de la lumière, il y en a bien plus ! Ces autres couleurs ne sont pas visibles à l'œil nu. Vous en connaissez certaines de nom : les ultra-violets (les fameux UV qui vous crament pendant que vous bronzez), les rayons X pour voir à travers les corps, les micro-ondes qui réchauffent ta quiche aux brocolis, l'infrarouge dont on a parlé précédemment, etc.. Tout ça, c'est de la lumière ! En plus d'avoir des tas d'applications dans nos vies quotidiennes, ces différentes lumières sont très utiles pour nous, astrophysiciens. On peut représenter ces lumières en les mettant sous forme de frise, appelée spectre, avec la lumière visible au milieu, comme ci-dessus. À gauche de la lumière visible, on trouve les UV, les rayons X et les rayons gamma. Ces lumières contiennent beaucoup plus d'énergie que la lumière visible. Dans l'univers, ils sont émis par des phénomènes violents comme des explosions d'étoile, des collisions, etc.
À droite, il y a les infrarouges, les micro-ondes et les ondes radios (qui portent les voix de nos animateurs radio), etc. A l'inverse, ces lumières sont moins énergétiques que la lumière visible. En astrophysique, elles sont par exemple émises par les nuages de gaz froids et denses où les étoiles se forment. On peut aussi regarder un même objet, par exemple le Soleil, dans différentes lumières, pour apprendre différentes choses, comme sur l'image ci-dessous. Si on veut observer les éruptions solaires, très énergétiques, les UV et les rayons X seront plus adaptés. Les apparences sont parfois trompeuses, et c'est le cas aussi dans l'espace ! Sur l'image de gauche, il semble qu'il y ait un trou dans le ciel étoilé. Serait-ce un endroit totalement vide ? C'est ce qu'on a cru pendant longtemps (et Twitter me dit que certains le croient encore...). En fait, c'est tout le contraire ! Il s'agit d'un nuage de gaz appelé Barnard 68, du nom de son découvreur et du numéro qu'il lui a attribué (Ô, science, fais-nous rêver). Il est tellement dense qu'il ne laisse pas passer la lumière des étoiles qui se trouvent derrière lui.
L'image de gauche montre le nuage en lumière visible, c'est-à-dire celle que nos yeux voient. C'est une photo, quoi, tout ce qu'il y a de plus normal ! L'image de droite, avec ses couleurs un peu étranges, c'est aussi notre nuage, mais cette fois vu grâce à une autre lumière : l'infrarouge. Celle-ci n'est pas visible directement par nos yeux, pourtant, votre corps en émet ! C'est directement lié à votre température corporelle et c'est ce qui est utilisé dans certaines jumelles de vision de nuit. Grâce à elle, on se rend compte qu'en effet, des étoiles se cachent derrière le nuage !
Il s'agit de l'interféromètre ALMA. Sa construction a commencé sur les hauts plateaux du nord du Chili (5200 m !) en 2004, et s'est achevée en 2013. Au total, ce sont 66 antennes de 12 m de diamètre chacune qui fonctionnent de concert. Toutes les antennes se meuvent pour pointer dans la même direction, vers l'objet qui intéresse les astronomes.
Le principe de fonctionnement est simple et complexe à la fois. Dit simplement : c'est comme avoir une énorme antenne d'environ 10 km de diamètre ! Or, plus l'antenne est grosse, plus on est capable de voir de petits détails. Dit de manière plus exacte : on fait interférer les signaux lumineux reçus par chaque paire d'antennes, ce qui donne une information précieuse sur la structure de l'objet. ALMA ne voit pas la lumière visible (celle perçue par nos yeux). Il est sensible à la lumière ayant une longueur d'onde millimétrique, qui est principalement émise par de la poussière froide et des molécules. Ainsi, ALMA est l'instrument idéal pour l'étude des nuages froids (dans lesquels se forment les étoiles), des disques proto-planétaires (où naissent les planètes), des galaxies proches et lointaines, etc. Pour plus d'information, cliquez ici (en anglais). Reproduction intégrale de l'article publié sur le site The Conversation France. Les étoiles. Elles illuminent le ciel depuis l’aube des temps. Depuis son apparition sur Terre, l’humain, lui, s’interroge et les interroge sur leur présence. La science nous dit aujourd’hui qu’elles sont en réalité des sphères de gaz (principalement de l’hydrogène) sujettes à des réactions thermonucléaires de fusion. L’astrophysique est la science des objets de l’Univers, notamment des étoiles. Même si cette science a résolu de nombreux mystères, ses grandes avancées sont relativement récentes. Par exemple, il aura fallu attendre les travaux de Marie Skłodowska-Curie sur la radioactivité en 1898, puis ceux d’Albert Einstein sur la relativité restreinte (la fameuse équation E=mc2, publiée en 1905) pour comprendre ce qu’est une étoile : un objet capable de réactions nucléaires, produisant de la lumière. En 1914, nous comprenons que de nombreuses galaxies peuplent l’Univers. En 1955, les travaux de Salpeter (voir ci-dessous) suggèrent que les étoiles se forment partout dans les mêmes proportions (petites, moyennes et grosses étoiles). C’est cette dernière croyance que les travaux que nous avons récemment publiés dans Nature Astronomy remettent en cause. Avant d’entrer dans les détails de nos travaux, un mot sur comment se forment les étoiles et sur les différents types d’étoiles que l’on rencontre dans l’Univers. Cœurs denses Nous savons que les étoiles se forment dans des nuages de gaz froid. Ces nuages font plusieurs dizaines d’années lumière de rayon. La turbulence qui règne en leur sein génère des « grumeaux » de gaz que l’on appelle des cœurs denses. La gravité, qui fait que toute particule ayant une masse attire (et est attirée par) les particules voisines, provoque la contraction du cœur dense. Sous l’effet de la gravité, il devient tellement dense, comprimé et chaud que des réactions thermonucléaires de fusion se déclenchent. La lumière jaillit, une étoile est née. Or, puisque les cœurs denses n’ont pas tous la même masse, les étoiles ne naissent pas avec la même masse. Nous mesurons la masse d’une étoile par rapport à la masse de notre soleil, que nous notons 1 M☉ (lire « une masse solaire », c’est-à-dire une fois la masse du soleil). En observant les étoiles, et en les rangeant en fonction de leur masse on peut établir la distribution en masse des étoiles que l’on appelle fonction de masse initiale. C’est cette fonction initiale de masse, représentée ci-dessus, que l’on pensait universelle depuis les travaux de l’américain Erwin Salpeter publiés en 1955. Autrement dit, nous pensions qu’en toute partie de notre Galaxie et par extension dans toutes les galaxies, les étoiles se formaient toujours dans les mêmes proportions. Cette supposition, jamais démentie jusqu’alors était de première importance : cela impliquait qu’en étudiant la population d’étoile d’une masse donnée (certaines étoiles sont beaucoup plus faciles à observer que d’autres) on pouvait connaître la population de toutes les étoiles. Pour bien comprendre, entrons dans le détail des différences qui existent entre les étoiles en fonction de leur masse, et des biais d’observation que cela implique :
Etudier les étoiles massives En supposant l’universalité de la fonction initiale de masse, nous pouvions connaître et étudier la population des étoiles des galaxies seulement par l’étude des étoiles les plus faciles à observer : les étoiles massives. La validité de l’universalité de la fonction initiale de masse d’étoiles était donc la base des études extra-galactiques s’intéressant à l’efficacité de formation stellaire ou aux populations d’étoiles en fonction de l’âge des galaxies. Comme je l’ai décrit plus haut, les étoiles se forment dans des cœurs denses au sein de nuages moléculaires. Une étoile mettant plusieurs millions d’années à se former il est impossible d’observer « en direct » la formation des étoiles dans un nuage moléculaire. En revanche, puisque les étoiles se forment dans les cœurs denses on peut observer ces derniers pour « prédire » les étoiles que le nuage moléculaire va générer. C’est ce qu’on fait les astrophysiciens dans les années 2000 en observant les plus proches nuages moléculaires formant des étoiles : les nuages de la ceinture de Gould (en jaune sur la vue artistique de la Voie Lactée, ci-dessous). Ils ont découvert que la fonction initiale de masse de cœurs denses (comptage des cœurs d’une masse donnée) avait la même forme que la fonction initiale de masse d’étoiles. Autrement dit, une étoile hérite de la masse du cœur dans lequel elle se forme. Cela conforte l’idée que la fonction de masse des étoiles est une loi universelle. Avec l’avènement des grands radiotélescopes nous sommes maintenant en mesure d’observer des régions de formation d’étoiles beaucoup plus éloignées que les nuages de la ceinture de Gould. Notamment, le grand interféromètre ALMA qui a été construit dans le désert d’Atacama à quelques 5 100 m d’altitude nous permet de voir des régions où des étoiles massives se forment avec autant de détails que les observations d’il y a 20 ans dans la ceinture de Gould. En particulier, nous avons observé le nuage nommé W43 qui est représenté sur la vue artistique de la Voie lactée. L’image en tête de l’article montre la région W43 telle que vue par l’instrument ALMA. Les ellipses noires montrent tous les cœurs denses qui sont en train de se former, et qui formeront des étoiles dans les quelques millions d’années à venir. Sans surprise, nous avons trouvé de nombreux cœurs « massifs » qui formeront sans nul doute des étoiles massives. Seulement, selon la fonction initiale de masse d’étoiles, la région W43 aurait dû abriter beaucoup plus de cœurs de masse intermédiaires et de faible masse. Le graphique ci-dessous résume la distribution de la population de cœurs dans W43. L’histogramme en bleu indique le comptage des cœurs (nombre de cœurs ayant une masse donnée). La courbe rouge est l’ajustement à l’histogramme, c’est-à-dire la fonction mathématique qui représente le mieux les pics de l’histogramme. Enfin, la zone hachurée montre le domaine d’incertitude de l’ajustement. Il s’agit de la première observation montrant une différence nette entre la courbe en rouge et la pente théorique de la fonction initiale de masse des étoiles indiquée en magenta. Autrement dit, une entorse flagrante à l’universalité de la fonction initiale de masse. Pour étayer ce résultat de première importance, un vaste projet d’observation a été mis en place. Au cours des prochaines années, l’interféromètre ALMA va observer de nombreuses autres régions de formation d’étoiles massives (tous les nuages indiqués en vert sur la vue artistique de la Voie lactée). L’enjeu, pour ces prochaines années, sera de comprendre les causes physiques de la non-universalité de la fonction initiale de masse des étoiles. Si cette recherche est intéressante en soi, de nombreuses thématiques sont en attentes des résultats qui en découleront : les études sur les naines brunes, les études extra-galactiques de formation stellaire, les études de population de trous noirs, etc.
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AuteurFabien Louvet, Astrophysicien français au Chili ArchivesCatégoriesPartenaire
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